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O sole mio
9 septembre 2004

retour

A table dehors, les sujets sont variés et terre à terre. Et puis, juste avant le dessert, qu’elles partent chercher, il croise les bras et évoque son frère, la tendresse qu’il a pour lui, le réconfort qu’il lui apportait par sa confiance, même forcée, dans le cours des choses, l’admiration qu’il a pour celui qui " serait allé décrocher la lune " pour sa famille. " Je ne sais même pas s’il passera le mois ". C’est terrible, soudain, de lire sur son visage cette tristesse qu’il ne laisse pas souvent voir, lui dont on retient la force, l’esprit de décision, lui, le frère cadet modèle et soutien pour tous les autres.

Ses yeux brillent sous la voûte étoilée, ses yeux sont dans l’enfance. Mon frère attrape le rouleau de sopalin, en détache un mouchoir de fortune, et puis bientôt dit qu’il est fatigué, dit bonsoir.

Mon seul geste de réconfort, à moi, c’est un bisou sur la joue de mon père, les yeux baignés de larmes.

Plus tard, j’aurais goûté la fraîcheur du jardin après cette chaude journée de septembre, seule à écouter " Drugs don’t work ", ironiquement de circonstance, à fumer une cigarette.

En retard, comme souvent. J’ai préféré prendre ma voiture, pour rentrer directement après. Sur la route silencieuse, je pensais à sa solitude, quand j’ai vu sa main dépasser du toit, nous montrer les voiles blanches sur la rivière.

Non, ça ne va pas bien, il veut partir. S’il ne part pas avant ce soir, on ne le reverra plus. Avant de comprendre les effets secondaires de la morphine, j’ai bien cru que c’était sa volonté. Qu’après être allé par monts et par vaux pour nous, il n’avait plus confiance. Ses yeux sont fixes, comme sa détermination, son obsession. Sa voix est amincie, mais inlassable, même confuse. Il veut choisir sa mort, même déraisonnablement. Son obstination, sa solitude dans la déraison sont comme une liberté qu’il n’a jamais vécue.

Il y a quelques mois je l’accompagnais chez le cancérologue, j’allais manger avec lui au restaurant, on discutait. Pourquoi ai-je soudain arrêté d’aller le voir, pourquoi ai-je fui ? Accepter les choses, se préserver, y faire face, poser les questions, (re)prendre conscience…

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Commentaires
D
Bonsoir,<br /> Tient le coup, c pas toujours qu'on fait ce qu'il faut, mais en essayant de nouveau, dans d'autres circonstances, on peut se racheter.
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